Les registres blockchain éveillent depuis quelques années l’intérêt des acteurs du secteur de la santé. En tant que technologie de stockage, mais aussi de transmission, les registres distribués peuvent en effet adresser certaines problématiques propres au domaine médical et pharmaceutique, ou encore dans le domaine de la recherche. Encore à leurs débuts, certains projets semblent plutôt prometteurs.
Voir aussi : Blockchain et cas d’usage
Blockchain et santé : quelle utilité ?
Le secteur de la santé fait face à de nombreuses problématiques que certaines entreprises cherchent aujourd’hui à résoudre. Les principaux concernent l’éparpillement des données médicales, les contrefaçons de médicaments et le manque de transparence dans la recherche.
- Un registre des données médicales
Plusieurs acteurs de la santé s’intéressent de près à la création d’un registre patient distribué, pouvant par exemple s’appuyer sur une architecture blockchain. Actuellement, l’information n’est pas partagée entre les différents médecins, et le patient doit lui-même reporter les comptes rendus de ses précédentes consultations auprès de chaque nouveau spécialiste. Une mission d’autant plus difficile pour un patient non averti ne maîtrisant pas le discours médical et n’ayant pas une idée précise du contenu de son dossier.
Pour lutter contre cette déperdition d’informations et favoriser une communication plus efficiente, certains projets commencent à voir le jour. C’est notamment le cas de Passcare, porté par le chirurgien au CHU de Reims et fondateur de la société InnovHealth, Adnan El Bakri. Passcare est un passeport médical connecté permettant au patient d’avoir un accès complet à ses données. Le PassCare regroupe l’ensemble des données médicales et permet de connecter tous les intervenants santé à travers le monde. Traduisible en plusieurs langues, il est accessible partout à travers le monde sans limite géographique. Les données y sont protégées et anonymes, et contrôlées par le patient. La carte est dotée d’un QR code. En cas de problème, les différents professionnels peuvent avoir accès à des informations d’urgence permettant de sauver la vie du patient en ayant à son dossier. Passcare a déjà plus de 200 000 utilisateurs en France et a suscité l’intérêt de Google et IBM.
- Traçabilité des médicaments
Le manque de traçabilité des médicaments est une autre problématique à laquelle une base de données distribuée et publique pourrait apporter un début de réponse. A l’heure où l’Afrique fait face à de nombreux cas de contrefaçons de médicaments, une blockchain focalisée sur la supply chain des laboratoires pourrait constituer une solution intéressante pour certifier leur authenticité. Au delà de la contrefaçon et de la traçabilité des supply chains, on pourrait également réfléchir à une meilleure transparence sur les formules, en alertant systématiquement les patients en cas de changement – une piste intéressante pour éviter certains scandales médicamenteux, comme le récent cas du Levothyrox.
Le laboratoire Sanofi a déclaré faire partie de ceux qui investissent une part importante de leur budget dans les recherches consacrées aux registres blockchain : « Sanofi étudie la possibilité d’intégrer la technologie de la blockchain à différents secteurs de son activité », a déclaré Milind Kamkolkar, directeur du développement. « La blockchain deviendrait alors un autre volet de la stratégie digitale de l’entreprise qui cherche à intégrer plus étroitement les technologies de l’information innovantes à ses activités de recherche et développement ainsi qu’à ses opérations commerciales ».
- Transparence de la recherche
Le partage de l’information pourrait également gagner à être utilisé dans un autre domaine de la santé : celui de la recherche, actuellement très opaque. Il est souvent reproché aux institutions de recherche de rester très vagues et de publier des conclusions insuffisamment fondées. Très secrète, on reproche également à la recherche médicale de ne pas être suffisamment collaborative, privant l’industrie d’avancées scientifiques significatives. Le partage des recherches entre différents chercheurs et organismes pourrait permettre d’obtenir de meilleures synergies et d’avancer plus rapidement sur des sujets précis.
Certains projets se penchent sur le sujet, notamment sur le partage de données d’essais cliniques. Ce type de blockchain peut toutefois poser problème pour respecter le secret médical des patients.
La santé, un secteur contraint
La santé n’est pas un secteur comme les autres et doit répondre à des règles de confidentialité particulièrement strictes. Pour fonctionner dans le domaine de la santé, une blockchain doit en premier lieu garantir la protection et l’anonymat des données patients.
En Europe, le projet MyHealthMyData conçoit un modèle de blockchain santé compatible avec le secret médical et le RGPD, car aucun stockage d’information n’a lieu directement sur la blockchain : celle-ci ne stocke que des liens renvoyant vers ses informations. Partenaire du géant Siemens, MyHealthMyData vise à faciliter l’accès et le partage de données de santé dans le cadre d’essais cliniques. Si une personne souhaite effacer ses données de la blockchain, elle pourra rompre les liens renvoyant vers ses informations, sans pour autant devoir briser la chaîne. Les différents blocs resteront donc en place dans la chaîne, mais seront définitivement désactivés.
Il est donc tout à fait possible de concilier blockchain et secret médical. Mais la protection des données n’est pas le seul défi à relever pour le secteur de la santé. Afin de rendre une blockchain 100% efficiente, il est nécessaire de disposer de données médicales entièrement numérisées, et de logiciels interopérables entre assurance maladie, hôpitaux, et dossiers médicaux. Un travail de longue haleine qui devra faire patienter les projets de grande envergure avant que ceux-ci ne soient déployés.
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