Deuxième partie de l’article d’Alex Werner, développeur de la monnaie numérique décentralisée Dash : à travers son point de vue et son expérience, il nous éclaire sur le fonctionnement du réseau et ses objectifs.
Dash – Masternodes et gouvernance :
Tu nous embêtes encore avec tes termes ?…
Je vous explique, il y a un débat dans la sphère Bitcoin – on adooore les débats dans le monde des cryptomonnaies – ce débat donc, c’est celui de la taille des blocs.
Depuis combien de temps fait-il rage, trois ans à peu près ? De notre côté, avec la gouvernance, on aime à dire qu’on a résolu le problème en vingt-quatre heures.
Forcément, c’est facile d’être d’accord quand on est quatre barbus à poil autour d’une table…
Et bien détrompez-vous, il y a en ce moment 3 500 votants. Et la communauté était déjà très nombreuse, avec des opinions divergentes. En comparaison, un an plus tard, il n’y a “que” 1000 votants de plus.
Ah tu vois, j’avais bien dit que vous étiez quatre pélos.
Et bien, c’est un poil plus compliqué : par exemple, je suis développeur, mais je n’ai aucun droit de vote. Au mieux, on accepte de m’écouter. Pourquoi ? Et bien c’est justement ça l’histoire des masternodes.
Notre système est basé sur plusieurs niveaux. Vous avez le célèbre mineur classique; celui-ci, vous le connaissez déjà, donc je passe au second niveau qui constitue le réseau Dash : celui des masternodes. Il s’agit d’avoir 1000 dash (290 000 € à l’heure d’aujourd’hui…) déposés en collatéral (ils restent votre propriété bien entendu, et vous pouvez les revendre sur Kraken en 1.6 seconde si vous le souhaitez). Ce collatéral est une incitation économique suffisamment forte pour que le possesseur de masternode puisse faire le meilleur choix lors de ses votes et puisse décider le plus sagement possible de la direction où il souhaite mener Dash (forcément, à 12 ans d’équivalent SMIC net le droit de vote, ça responsabilise plutôt bien les gens…).
Rappelez-vous, mon salaire est également voté chaque mois par ces mêmes gars-là, ils sont les gardiens de la bonne redistribution du budget mensuel de Dash. C’est donc ainsi que s’organise la gouvernance de Dash.
Woaw… Pa-ssio-nnant. Et alors ? C’est quoi le rapport entre ton mastertruc et la facilité d’utilisation ?
Et bien, ce possesseur est rémunéré pour ses 1000 dash mis en collatéral, à l’heure actuelle il touche environ 2 300$ par mois et par masternode, mais ce n’est pas gratuit, on va lui demander d’avoir une puissance de calcul convenable (très clairement, pas un smartphone ni un PC de maison), et une connexion Internet type 1 Gb/s. C’est ce serveur (qui a un coût mensuel d’environ 40 $ + par mois) qui permet d’effectuer les paiements instantanés et qui va permettre de sécuriser le réseau suffisamment rapidement lorsque les blocs auront une grande taille.
C’est également ce serveur qui permettra aux utilisateurs d’avoir un pseudonyme ou une adresse mail, unique, dans la blockchain. D’aucuns pourront avoir une “liste de contacts” sauvegardée dans la chaîne de blocs, pour pouvoir en un clic payer directement depuis cette liste, sans voir cette notion d’adresse publique ou privée; non, ils paieront directement à Jean depuis un carnet d’adresses ou en tapant l’adresse : jean@monamis.fr.
En plus de tout ceci, un marchand sera capable également de mettre en place un processus simplifié pour qu’un seul clic suffise à confirmer une transaction directement depuis le portefeuille Dash. Imaginez-vous sur Amazon (sachant que le système de trésorerie nous permet de financer l’intégration par Amazon d’une telle fonctionnalité) : un simple clic sur Buy-With-Dash fera vibrer votre smartphone, sur lequel il vous sera alors demandé de confirmer le montant et le destinataire, puis d’appuyer simplement sur “Envoyer”, à la manière de la confirmation faite sur un Ledger. Simple, rapide et efficace : plus besoin de copier/coller quoi que ce soit, et pour les développeurs, cela sera facile à intégrer grâce à un SDK (une librairie pour développeurs) qui facilitera grandement la tâche.
Au delà de cette possibilité, il s’agit également d’apporter la mise en place de paiements récurrents, pour le paiement mensuel d’un service particulier. Personnellement je n’en suis pas fan, mais mes 4500 patrons – les masternodes – ont estimé cela indispensable, donc ce sera bien une fonctionnalité; libre à moi de ne pas l’utiliser.
Tout ceci est rendu possible par un réseau particulier que l’on appelle DAPI (API décentralisée), et c’est justement cette spécificité qui occupe mes journées et celles de mon équipe. Elle permettra d’avoir un client léger (smartphone par exemple), qui pourra recueillir toutes les informations nécessaires pour effectuer un paiement ou consulter ses comptes, sur n’importe quel mobile (ou même sur plusieurs mobiles à la fois), sans avoir à faire confiance à un serveur tiers; car de la même façon qu’avec la blockchain, tout reste sécurisé par la beauté des mathématiques (ici, ce qu’on appelle l’incitation économique, mentionnée plus haut, ne suffirait pas). C’est bien évidemment vérifiable par le client léger, et cela de manière automatique. En effet, bien qu’il soit possible de récupérer des informations depuis un noeud, les requêtes plus complexes nécessitent des développements supplémentaires, via ce qu’on appelle une API. Ce couple (noeud + API) est souvent mis en place sur des serveurs privés, c’est le cas notamment des portefeuilles dits SPV (qui ne nécessitent pas d’avoir téléchargé l’intégralité de la blockchain).
Cela pose différents problèmes : pour une compagnie de taille réduite, cela a un coût (mise à jour, maintenance, gestion d’attaques par déni de service, gestion de la charge…), et cela pose également un problème de sécurité (le serveur pourrait conserver toutes les adresses IP par exemple, ou modifier le code source et s’en servir pour falsifier les données – notamment en omettant certaines UTXOs).
Une API publique, décentralisée au travers de 4500 noeuds, permet justement de résoudre la plupart de ces problèmes. Et le SDK offrira les moyens de valider le tout et de gérer les aspects complexes qui pourraient exister. De telle sorte que trois ou quatre lignes de code suffiront à effectuer un paiement, et cela sans nécessiter une connaissance profonde de la technologie par l’intégrateur qui s’en occupera.
La facilité d’utilisation que souhaite apporter Dash est donc axée tant sur l’utilisateur que sur le développeur et l’entrepreneur. Notre pensée étant que pour arriver à soutenir l’intégration de Dash dans les points de vente, il faut réduire au maximum la complexité d’utilisation pour l’utilisateur et pour le marchand lui-même. Nos prochaines étapes seront alors focalisées sur les problématiques d’intégration du portefeuille avec une carte bancaire, ce qui explique le nombre de projets financés actuellement autour de ce sujet.
Et cette histoire de payer directement via une adresse mail, vous faites ça comment ?
Alors effectivement, le stockage de la donnée, ce n’est pas si simple.
Actuellement, il est possible de stocker une très faible quantité de données (80 caractères) dans une transaction. Cette limite sera quelque peu modifiée pour un type très particulier de données (impossible d’utiliser cet espace pour autre chose que les créations/modifications d’un compte).
L’idée est notamment d’utiliser cet espace pour stocker une preuve d’existence (un hash) d’une donnée, synchronisée à travers ce que l’on appelle DashDrive (un système utilisant IPFS) qui sera également présent sur chaque masternode.
Ces données serviront à déployer de nouvelles fonctionnalités : disposer d’un compte (possédant un nom d’utilisateur, qui peut être une adresse email par exemple) permettant de faciliter les paiements, mais également gérer d’autres éléments, par exemple une liste de contacts.
Ainsi, pour ajouter un contact à votre portefeuille, il vous faudra passer par une demande préalable de contact et son acceptation par le destinataire, c’est également une donnée qu’il faudra stocker lors de l’acceptation dans DashDrive, mais également l’avoir dans la DAPI lorsque la demande est en attente d’acceptation.
Ainsi, c’est réellement l’infrastructure de Dash qui permet au final de débloquer ce genre de fonctionnalités, en utilisant pleinement le système du quorum, DashDrive, DAPI et DashCore.
Et pour la suite ?
Globalement, à terme, le chemin à parcourir est encore long, il va falloir améliorer constamment l’usabilité, très rapidement via l’implémentation des multi-signatures au sein même des comptes, offrir la possibilité aux marchands d’avoir un type de compte particulier, ou leur offrir une place de marché décentralisée de confiance par exemple, et permettre d’avoir directement depuis l’application la liste des marchands acceptant les fonctionnalités avancées de Dash.
Il faudra également offrir la possibilité de mettre en place un compte épargne, qui permettra d’obtenir des revenus via la mise en collatéral d’une partie des fonds qui serviront à lancer de nouveaux masternodes : la mise en commun de plusieurs comptes épargne permettra de réunir les 1000 Dash requis, ainsi, quelqu’un ayant 100 dash sur son compte épargne possédera 10% d’un masternode (soit, aujourd’hui, l’équivalent de 230$/mois).
La création de DashLabs (une autre DAO) est déjà en cours, ce qui permettra de se consacrer à la création de logiciels permettant d’utiliser les cartes graphiques pour améliorer la vitesse de validation des blocs (nécessaire à la continuité vers les 4000 tx/s), et par la suite la création de hardware open-source.
La scalabilité sera un défi constant d’amélioration. Fort heureusement, les solutions sont nombreuses, mais longues à implémenter; c’est pour cela que le plus grand défi est la scalabilité de l’équipe elle-même. Bien que 40 personnes soient payées par la blockchain au sein de la DashCore Team uniquement, cela ne suffira pas; d’où la recherche constante des meilleurs talents. Au delà de cela, des fonds seront (et sont déjà) débloqués pour travailler avec des hackers et des universitaires pour tenter de mettre à mal notre système, afin de l’améliorer continuellement.
Et enfin, l’aspect “vie privée” restant toujours aussi important, la possibilité d’utiliser le tout sur le réseau TOR est également importante. Il faudra également offrir un système de réputation pour les marchands présents sur le portefeuille.
Evidemment, lorsque tout le système sera mis en place et utilisable facilement, il deviendra alors temps de commencer à toucher le public, et c’est à ce moment que la communauté mettra tout en place, en utilisant la puissance du système de trésorerie par la blockchain, pour financer une politique marketing capable de toucher le monde extérieur aux crypto-monnaies.
La roadmap est ambitieuse, et au-delà, il faudra également compter sur toutes les autres DAOs et les entrepreneurs désireux de créer autour de Dash.
La communauté entière est dédiée à cet objectif d’amélioration continue.
C’est super tout ça, mais serais-je toujours capable d’utiliser Dash sans avoir de compte ?
Bien évidemment, il faut bien comprendre que tout ajout supplémentaire se fait via un système à plusieurs couches. Ainsi, la première couche, celle qui permet les transactions simples, existera toujours.
Au dessus, il y a la seconde couche qui passe par les masternodes, permettant PrivateSend et InstantSend.
Et encore au-dessus, la troisième couche permettra d’implémenter les fonctions avancées que j’ai mentionnées. Tout est là pour ajouter sans jamais rien retirer : tout ajout reste bien sûr facultatif.
Du coup, après ces quelques minutes que tu as passées en ma compagnie, je pense que nous pouvons désormais nous tutoyer.
J’espère avoir pu te montrer que Dash est un projet sérieux, nous en sommes ici parce que nous avons bossé dur, et malgré toutes les critiques, le marché semble nous vouloir dans le top 10 des projets qu’il juge les plus importants.
D’un point de vue très personnel, cette aventure est clairement la plus excitante que j’aie eu à vivre dans ma vie de développeur. Après avoir passé trop de temps dans l’écosystème des start-ups (qui a quelque chose de malsain), j’ai eu la chance de suivre l’évolution de Dash pendant cette année, me permettant d’enfin faire quelque chose que j’aime et à laquelle, idéologiquement, je crois.
Alors bien sûr, c’est autre chose de travailler avec des gens dispersés tout autour du globe, c’est quelquefois dommage de ne pas avoir rencontré la moitié de mes collègues, mais le cadeau de voir d’autres personnes excitées par ce que l’on fait, de voir un tel retour positif de la communauté, compense très clairement le tout.
Nous avons encore un très long chemin à parcourir : nous entrons tout juste dans l’adolescence des crypto-monnaies. Et au vu de notre roadmap qui va jusqu’en 2023 -et encore, nous sommes une grande équipe de 38 personnes, et cela rien qu’au coeur de la DAO core – je n’oserai pas savoir quels sont les deadlines/roadmaps de certaines des équipes les plus petites – ce sera sûrement mouvementé mais fun.
Alors préparez le pop-corn et attendez-nous au tournant, car je vous le promets, ce sera un voyage palpitant.
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