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Billets d'opinionFinanceSociété

Préambule :

BitConseil a pour principal but la mise à disposition de ressources pouvant permettre au public francophone d’appréhender le phénomène Bitcoin.
La série Planète Bitcoin est indépendante des publications informatives, pédagogiques ou didactiques proposées par l’équipe BitConseil et n’engage que votre serviteur. Les articles proposés dans la catégorie “Billets d’opinions” sont le résultat de la libre expression des membres de l’équipe et sont un complément facultatif.

Introduction

Je reprend donc ce récit global de la rencontre entre le système bancaire et notre devise préférée. Après une année 2016 riche en événements, l’engouement autour de la blockchain laisse place à une approche plus réaliste du phénomène.

Les querelles politiciennes semblent désormais bien dérisoires face au pouvoir que possèdent ceux qui créent et imposent la monnaie. Le peuple en prend conscience et s’interroge sur la nature de l’argent, cette colle sociale qui permet à l’être humain d’échanger avec le moins de frictions possibles.

Malheureusement, son but premier sombre dans l’oubli, que ce soit chez l’oligarchie financière qui utilise les pires moyens jamais imaginés pour sustenter un système en fin de vie, ou chez les citoyens révoltés; certains en venant même à préconiser l’absence de monnaie comme principe permettant d’accéder à une société plus juste.

Il paraît donc opportun de rappeler que la monnaie est plus qu’un outil d’échange mais également un lien social permettant de préserver l’efficience et la qualité des rapports humains. Que l’outil le plus répandu soit de mauvaise facture est un fait; mais afin de raviver un peu d’optimisme il est bon de rappeler que de nombreuses alternatives existent et Bitcoin apparaît comme une des plus crédibles.

Comme le veut la coutume, ce Planète Bitcoin 9 débute par un bilan économique général.

Les tribulations du système bancaire

Donnez moi le contrôle sur la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois.

Mayer Amshel Rothschild (1743-1812)

Le “système” :

Nombreux sont ceux qui parlent du “système” pour désigner les entités chargées de contrôler les flux monétaires mondiaux, ou plus généralement leur façon de procéder. Ce terme est généralement attaqué pour sa simplicité ou son aspect “complotiste”…

Pourtant, le “système” n’est pas le fruit de l’imagination des individus aux tendances paranoïdes qui hantent les méandres des réseaux sociaux. Non, il a déjà été utilisé par les plus grands économistes et les plus grands banquiers afin de désigner la structure actuelle de nos processus de création et d’échanges monétaires, et sur le vieux continent, nous avons… l’Eurosystème.

John Law
John Law (1671 – 1729) par Casimir Balthazar (1811-1875). Huile sur toile, 1843.

En réalité, cette expression ne vient pas d’un anarchiste forcené mais d’un précurseur méconnu : Sir John Law de Lauriston, banquier et économiste écossais qui devint Ministre des Finances du Royaume de France en 1715, lors de la mort de Louis XIV, en proposant son “système” au régent (Philippe d’Orléans). Notre pays était alors lourdement endetté, le montant de cette dette correspondait à environ une dizaine d’années d’impôts. Cela semble évidemment dérisoire lorsque l’on sait qu’à la fin du deuxième trimestre 2016, la dette publique française représentait 98,4 % de notre PIB, soit 2170,6 milliards d’euros selon l’INSEE…

L’idée géniale de John Law fut de proposer au Régent de créer une banque générale de crédit, forte des réserves numéraires de l’Etat. Elle percevrait les recettes de ce dernier, et pourrait imprimer autant de monnaie papier que nécessaire, dont le cours serait forcé. Ensuite, il fusionna cette banque générale avec la Compagnie des Indes et émit des actions qui devaient servir à rembourser la dette publique. Les intérêts devaient bien évidemment être payés avec les billets de banque nouvellement créés.

En substituant la Compagnie des Indes à l’Etat, puis en convertissant la dette publique en actions de ladite compagnie suivant une règle d’émission pyramidale (tout en trichant sur la santé financière réelle de l’entreprise coloniale), John Law put en faire gonfler artificiellement le cours. Avec un capital de départ de 1,6 milliards de livres (l’or et l’argent des Français et de l’Etat), la totalité des actions émises finit par atteindre le prix de 11 milliards de livres. Payer ne serait-ce que les intérêts des actionnaires, même si la Compagnie réalisait des bénéfices colossaux, ce qui n’était pas le cas, était impossible. Lorsque les possesseurs de papier-monnaie voulurent réaliser leur bénéfice en argent ou en or, le mensonge apparut au grand jour et provoqua la chute du système. Les riches actionnaires finirent ruinés, la dette française ne fut pas remboursée et John Law eut juste le temps de fuir à Venise sous la protection du Régent afin d’échapper à un lynchage en règle.

Pourquoi cette digression historique ? Parce que John Law est précisément l’homme qui a généralisé l’usage de la monnaie papier – le billet de banque – et du système de réserve fractionnaire dans le monde occidental. Le “système” n’est donc pas une notion vague mais un schéma de création bien défini qui consiste à émettre la monnaie à partir d’une promesse de remboursement et non pas d’une richesse quantifiable. Il s’agit d’un concept fondamental dont les implications et les règles actuelles sont décrites dans l’angoisse de Satoshi.

John Law, Système de Law (Wikipedia)
John Law of Lauriston: Financier and Statesman, Founder of the Bank of France by A. W. Wiston
L’histoire de John Law – Adolphe Tiers, P. Jovanovic

L’erreur fondamentale de John Law (un nom qui ne s’invente pas !) fut de présumer que l’augmentation de la masse monétaire d’un espace économique entraîne sa prospérité; mais c’est précisément l’inverse : la masse monétaire s’accroît en conséquence de la richesse.

L’homme ne se nourrit pas de numéraire, il ne se vêt pas d’or, il ne se chauffe pas avec de l’argent. Qu’importe qu’il y ait plus ou moins de numéraire dans le pays, s’il y a plus de pain aux buffets, plus de viande aux crochets, plus de linge dans les armoires et plus de bois dans les bûchers.

Frédéric Bastiat (1801-1850), Sophismes Economiques

Malheureusement, l’ami John Law a fait des émules et la quasi-totalité des banques centrales et des Etats dans le monde n’ont eu de cesse de reprendre et d’améliorer son “système”…

Regardons brièvement les chiffres de la dette publique des 20 pays les plus endettés au monde en pourcentage de leur PIB. Les données sont disponibles sur la World Economic Outlook Database du Fonds Monétaire International :

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Le Japon est donc le champion du monde de la dette publique avec un total dépassant le million de milliards de Yens, à peu près 250% de son PIB. La banque centrale japonaise fut parmi les premières à pratiquer une politique qualifiée de “non-conventionnelle”…

L’assouplissement quantitatif

Le fameux “quantitative easing” consiste pour une banque centrale à créer de la monnaie scripturale, la diffuser dans les banques commerciales, et racheter massivement la dette souveraine d’un pays dans l’espoir de lutter contre la déflation (les liquidités injectées dans les banques étant censées se retrouver ensuite dans l’économie réelle). Les taux d’intérêts des obligations d’Etat baissent en conséquence car le rachat massif de ces dernières en fait augmenter le prix. Les banques centrales abaissent également leurs taux d’intérêts afin que leurs homologues commerciales abreuvent l’économie réelle plutôt que de laisser dormir leurs liquidités à l’abri chez les premières.

Cette stratégie semble au mieux inefficace, au pire destructrice, en particulier dans les pays vieillissants où la population ne se renouvelle pas : peu d’effet sur l’inflation qui est pourtant déjà importante – probablement car les liquidités créées ne sortent pas du circuit bancaire – et paupérisation due à l’augmentation des prix.

Mais cela ne s’arrête pas là : cette politique monétaire a conduit les taux d’intérêts nominaux des titres des dettes souveraines ou des facilités de dépôt auprès des banques centrales à devenir… négatifs !

Les taux d’intérêts négatifs

Une telle aberration économique (emprunter à taux négatif/prêter à perte) est interdite aux banques commerciales (articles 1892 et 1902 du code civil), mais pas aux banques centrales.

Je rappelle au lecteur que le taux réel est la différence entre le taux nominal et le taux d’inflation; les taux réels de nombreux titres sont donc déjà négatifs depuis bien longtemps.

Sur les marchés, les dettes souveraines sont achetées principalement par ces banques. Face à l’obligation qu’ont les banques commerciales de détenir une importante partie de leur capital dans des actifs dits “sans risque”, la plupart du temps des obligations souveraines (Accords de Bâle III), certains emprunts émis par les Etats ont un taux nominal négatif, en particulier sur le court et moyen terme, par exemple ceux du Trésor français.

Courbe des taux sur titres d’État français - Agence France Trésor
Courbe des taux sur titres d’État français – Agence France Trésor

Mais c’est également au tour des banques centrales de s’y mettre : par exemple, la Banque Centrale Européenne offre désormais un taux d’intérêt négatif pour les liquidités laissées en dépôt par les banques commerciales – il s’agit du taux de facilité de dépôt, le fameux taux plancher. Le but louable de cette initiative est de les décourager de laisser “dormir” leur argent et de prêter avant tout aux entreprises ou aux particuliers souhaitant investir dans l’immobilier par exemple.

Si cette stratégie de lutte contre la déflation semble déjà douteuse sur le papier, les effets sont bien plus pervers : en réduisant les marges bancaires déjà faibles, cela les incite plutôt à rattraper ce manque à gagner en ponctionnant de diverses façons les comptes de leurs clients. De plus, le petit épargnant est également impacté, voyant ses intérêts fondre comme neige au soleil. Par exemple, via l’article 49 de la loi dite Sapin 2, le Haut Conseil de Stabilité Financière autorise les assureurs à « retarder ou limiter temporairement [3 mois reconductibles], pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat [d’assurance-vie]» En termes simples, cela signifie que lorsque le citoyen commencera à vouloir récupérer son argent, avec lequel les banques s’amusent déjà de façon irresponsable, on l’en empêchera purement et simplement afin d’éviter un cataclysme financier.

Ainsi, les banques ne créent pas de la valeur mais transfèrent entre elles le peu qui leur reste aux frais de leurs clients ! Cette politique de taux négatifs est en réalité un impôt déguisé.

La guerre contre l’argent liquide

Face à ce constat désastreux, la volonté de contrôler les flux financiers semble plus induite par l’impérieuse obligation de sustenter ce système en empêchant les citoyens de s’y soustraire que pour les raisons philanthropiques invoquées (guerre contre le terrorisme et la corruption).

Des premiers essais avaient été effectués : limitation des retraits bancaires (ex : Grèce), ou des paiements en espèces (ex: France). Mais une guerre bien plus frontale a désormais été déclarée et c’est le Premier Ministre indien, Narendra Modi, qui l’a annoncé au monde avec une mesure incroyable : la démonétisation des billets de 500 et 1000 roupies, soit 86% de la valeur de l’argent liquide en circulation dans le pays.

gujarat-demonetisationCette folle décision est évidemment motivée par de nobles causes : la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale, etc… il ne faudrait tout de même pas que les habitants du pays puissent échapper indéfiniment au racket bancaire ! Un bank run incroyable s’en est évidemment suivi, paralysant totalement l’économie du pays. Les conséquences sur les centaines de millions d’Indiens non-bancarisés (environ 40% de la population), ou ceux qui n’ont pas la carte d’identité nécessaire pour effectuer leurs dépôts – en plus des justificatifs quant à la provenance de leur argent – sont évidemment désastreuses. Outre des files d’attente interminables dans un pays où on ne compte qu’un DAB pour 12 000 citoyens, le monde rural, les petits commerçants ou les travailleurs les plus pauvres, dont les transactions sont effectuées uniquement en espèces, se retrouvent dans un chaos économique sans précédent.

Pour l’individu voulant mettre son capital à l’abri, face à un contexte économique ou gouvernemental délirant, une solution est alors de se tourner vers une méthode ancestrale, l’or; mais pour ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter ou vivant dans un pays limitant l’achat de métaux précieux comme la Chine, il semblerait bien que Bitcoin soit l’alternative la plus sérieuse.

 

L’or est de l’or en acte, et la matière première elle-même. Si cet or est spiritualisé, d’acte il est devenu puissance, de matière il devient forme, d’agi, il devient agent, de femme il devient homme, et au lieu d’être chose née, il devient chose qui fait naître.

Anonyme, Le Rosaire des Philosophes

 

Etat des lieux du réseau Bitcoin et des principales monnaies décentralisées

Rappel historique :

Après la débâcle bancaire de 2008, un inconnu répondant au pseudonyme de Satoshi Nakamoto, ayant analysé les dérives du système dans son ensemble, a proposé une solution géniale pour s’en préserver : Bitcoin. Face à l’immense pouvoir que battre monnaie confère à celui ou ceux qui en détiennent le privilège, la décentralisation du processus est apparue comme la réponse la plus pertinente qu’un individu libre, autonome et responsable puisse apporter.

Le but affiché de ce protocole cryptographique était d’inventer un système de cash numérique, pair-à-pair et résistant à la censure.

Comment réaliser une telle prouesse ? Décentraliser la création monétaire via un réseau d’ordinateurs n’était possible qu’en solutionnant un problème de consensus vieux comme le monde, le problème des généraux byzantins; formalisé dans l’algorithmique moderne en 1982.

Ainsi sont nés le protocole Bitcoin et les concepts de preuve de travail et de blockchain.

La blockchain est le registre numérique public, décentralisé, horodaté et infalsifiable de toutes les transactions ayant été effectuées sur le réseau depuis sa création. Elle est composée de blocs reliés entre eux par un procédé cryptographique, depuis le bloc originel jusqu’aux blocs en formation. Cette base de données gigantesque permet de connaître le solde de n’importe quelle adresse bitcoin, et ce à n’importe quel moment dans le temps.

Les mineurs cherchent une solution à un problème mathématique afin d’incorporer un nouveau bloc dans la chaîne et valider de façon permanente les transactions qu’il contient. Ils sont en concurrence et allouent leur puissance de calcul pour proposer en premier un bloc valide à rajouter à la blockchain : on parle de preuve de travail.

Le modèle est incitatif : construire et sécuriser la blockchain est ainsi plus rentable que de tenter de la falsifier.

Malgré les doutes émis sur l’efficacité et la pérennité de Bitcoin, sept années plus tard, le pari de Satoshi Nakamoto semble plus réussi que jamais.

Bitcoin en 2016-2017

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A la date du 31 janvier 2017, 16,135 millions de bitcoins ont été émis, représentant au gré des fluctuations du marché une capitalisation totale approchant les 13 milliards de dollars.

En 2950 jours d’existence, la taille de la blockchain vient de dépasser la barre des 106 Go.

Le réseau effectue entre 2 et 4 transactions par seconde.

Le nombre moyens de noeuds connectés et visibles est supérieur à 5500.

Scaling Bitcoin : le débat sur la taille des blocs

Actuellement les blocs minés atteignent quasiment tous la taille limite de 1Mo. Ainsi, augmenter leur taille pourrait permettre de désengorger le réseau. Cependant, un tel changement nécessiterait une hard fork[1] et la communauté est très divisée quant à la pertinence d’une telle décision. A combien la fixer ? Après avoir massivement rejeté Bitcoin XT (blocs de 8 Mo), le réseau délaisse Bitcoin Classic (2 Mo) : il y a environ 150 noeuds classic contre plus de 4700 core nodes.

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Chaque membre de la communauté a son opinion sur la taille des blocs, souvent conditionnée par la question sous-jacente au débat : Bitcoin doit-il devenir une devise accessible au plus grand nombre, favorisant les micro-paiements ou les remittances[2] ou l’or numérique du troisième millénaire ? En effet, augmenter la taille des blocs permet de traiter plus de transactions à la seconde, mais au détriment de la sécurité, disent les experts; et sans jamais permettre au réseau de rivaliser avec les processeurs de paiements actuels.

C’est ainsi qu’à la suite de la Scaling Conference à Milan, la communauté a choisi une voie moins conflictuelle : le lancement de la segregated witness, qui permet de traiter un plus grand nombre de transactions par bloc. Il s’agit d’une soft fork[3] et son déploiement sur le réseau Bitcoin vient de dépasser les 23%. Si l’adoption dépasse les 95%, la segwit sera activée et en plus de fluidifier le réseau elle permettra également de mettre en place le lightning network, une ingénieuse solution qui consiste à regrouper les micro-transactions hors de la blockchain afin de ne pas l’encombrer.

Le halving :

L’un des changements majeurs de l’année 2016 fut le halving : la récompense donnée aux mineurs pour chaque bloc est passée de 25 à 12,5 bitcoins. Le prochain aura lieu en 2020. Ainsi, au fur et à mesure des halvings successifs, la récompense des mineurs sera assurée principalement par le total des frais de transaction contenus dans chaque bloc, la récompense devenant négligeable. Le prix d’un bitcoin doit donc être suffisamment élevé pour que la somme (récompense + frais de transaction) par bloc puisse couvrir les coûts du minage et assurer une plus-value au mineur.

C’est donc avec étonnement que certains, qui pensaient que le cours du bitcoin allait fortement augmenter suite à la division par deux de la récompense, ont vu leur monnaie préférée n’être que peu affectée par cet événement. C’est en fait que le marché avait déjà anticipé ce changement et le prix s’était ajusté en conséquence.

Et il ne faut pas oublier que ce qui fait la valeur d’un bitcoin, c’est avant tout sa rareté, combinée à une utilité de plus en plus concrète !

La centralisation chinoise

Sévère correction début 2017
Sévère correction début 2017

Il faut bien reconnaitre qu’un des voeux de Satoshi n’a pas été exaucé : la décentralisation totale du réseau. De par les coûts minimes de l’électricité et une attirance culturelle certaine pour les monnaies et la spéculation, les Chinois ont le monopole du minage. S’il est difficile d’en mesurer les conséquences à long terme, car elles dépendront fortement de la réaction du gouvernement de la République Populaire de Chine, il est facile d’observer à court terme l’influence des acteurs sur le marché : en une journée, les plateformes de change chinoises effectuent 50 fois plus de volume que les principales plateformes occidentales combinées (même si ce volume est gonflé de façon artificielle).

Après avoir franchi la barre des 1000 euros en début d’année, le cours du bitcoin a brusquement replongé en perdant près de 25% de sa valeur en quelques jours seulement. Si des take profit[4] massifs de la part de certains early adopters[5] après le franchissement de ce cap symbolique peuvent en être la cause, il est également intéressant de noter que les premiers mouvements apparaissent un jour avant les discussions organisées entre la Banque Populaire de Chine et les plateformes de change, pressions qui continuent de s’accentuer. Les incertitudes de certains des plus gros acteurs du marché chinois face aux futures régulations imposées par leur gouvernement provoquent également cette avalanche d’ordres de vente.

Quoiqu’il en soit, si un gouvernement peut ralentir la progression de Bitcoin par différentes méthodes, ou en interdire purement et simplement l’usage, la révolution des monnaies numériques décentralisées est en cours et rien ne pourra l’arrêter : le senseï Satoshi, fort de son ingénieuse blockchain, a formé des centaines d’élèves de par le monde.

 

Les altcoins (monnaies alternatives à Bitcoin)

Avec plus de 600 cryptomonnaies répertoriées sur coinmarketcap.com, nous arrivons à une capitalisation représentant plus de 15 milliards de dollars. Bitcoin est donc toujours loin devant ses concurrents (85% du marché), mais cela ne décourage pas les nouveaux venus !

La deuxième blockchain incontournable de l’année 2016 fut sans aucun doute Ethereum. En plus de décentraliser la création de la monnaie, Ethereum promet de décentraliser l’exécution d’applications informatiques ! Nous parlons des fameux “smart-contracts”, des scripts d’exécutions conditionnelles autonomes pouvant être déployés sur le réseau Ethereum moyennant le “fuel” du réseau, la cryptomonnaie Ether. Lorsque le premier smart-contract d’envergure fut déployé, la fameuse DAO, le financement participatif du projet (le plus important de l’histoire) atteignit 12 millions d’ethers en quelques semaines seulement. Malheureusement, une faille dans le code permit à un hacker de détourner quelques 3,6M d’éthers et la communauté fut divisée en deux camps (hard fork ou laissez-faire). Cette expérience avortée fit brutalement chuter le cours de l’Ether. Même si la communauté en fut fortement impactée, Ethereum représente désormais la deuxième plus grosse capitalisation des cryptodevises : plus de 860 millions de dollars.

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Le cours de l’ether en 2016

Il faut également souligner la percée de Monero et de Dash dans le top 10 des cryptomonnaies les plus populaires, les développeurs ayant mis l’anonymat des transactions et des participants au réseau au centre de leur code source.

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Les banques veulent elles aussi leur blockchain et des budgets considérables ont été alloués à l’étude de la technologie. D’où l’apparition des premières “permissioned blockchains“, appelées également “registres distribués”.

Il faut donc désormais faire la distinction entre les monnaies décentralisées s’appuyant sur une blockchain ouverte :

  • où l’accès en lecture comme en écriture est ouvert à qui le désire,
  • sécurisée par un réseau ouvert d’ordinateurs connectés partout dans le monde
  • où les noeuds du réseau peuvent être anonymes
  • qui possède son propre token numérique

des registres distribués dits également “permissioned blockchains” :

  • où l’accès en lecture et en écriture est soumis à autorisation
  • sécurisée et partagée par un groupe de participants approuvés
  • où les participants au réseau sont bien connus
  • visant à effectuer la transaction de plusieurs types d’actifs

Les registres distribués

En 2017, plus de 100 projets sont étudiés au stade du fameux “proof-of-concept” parmi les innombrables entreprises du secteur financier, qui concernent tant la banque que l’assurance ou le trading. Dans les acteurs bancaires, nous retrouvons entre autres la Société Générale, ING, Barclays, UniCredit Group, MUFG, JP Morgan Chase, BNP Paribas… Du côté des places boursières on peut noter le NASDAQ, le Deutsche Börse Group, LCH, ou bien encore le Swiss Eschange.

Les “registres distribués” qui sortent du lot ont été souvent mentionnés dans les épisodes précédents de Planète Bitcoin : il s’agit bien sûr de Corda (R3CEV), Hyperledger (utilisé entre autres par la firme Digital Asset Holdings) et de Ripple.

dslR3CEV a dévoilé en octobre dernier les feuilles de routes de son registre distribué Corda et mis en libre accès son code source. Parallèlement, la banque Goldman Sachs, l’une des premières à avoir financé le consortium, s’est retirée, suivie par Santander puis Morgan Stanley. Certaines sources ont confié au magazine Fortune que le désaccord fut causé par la baisse d’influence de la banque dans le projet après le dernier tour d’investissement de 150 M$. Voyant son pouvoir ainsi dilué suite à l’ajout de nombreux membres, Goldman a préféré ne pas renouveler son adhésion au consortium. Grâce aux précédents épisodes de la série vous savez que cette dernière a déjà misé sur Circle et Digital Asset Holdings, la firme de Blythe Masters; l’intérêt du mastodonte financier pour la “technologie blockchain” reste donc intact.

Un autre projet très prometteur pour les fintech est celui de la Linux Foundation, Hyperledger. Parmi la centaine de membres réunis, beaucoup sont déjà impliqués dans les consortiums sus-cités. Même si le code source est public, il s’agit là encore de créer un registre distribué où chaque noeud du réseau doit être préalablement approuvé par les noeuds existants. Le système, Hyperledger’s Fabric, doit permettre aux participants d’effectuer des transactions d’actifs de différentes natures via Internet tout comme Bitcoin. La démonstration du 16 décembre dernier peut prêter à sourire quant à l’état d’avancement du projet. Il s’agissait d’un jeu de billes virtuel entre les différentes institutions, qui pouvaient créer des actifs numériques représentés sous forme de billes et se les échanger entre eux…

Les banques s’empressent dans le monde entier d’explorer la “technologie blockchain” en formant des consortiums à l’instar de R3 :

  • Le Post Trade Distributed Ledger Group, basé à Londres, regroupe 37 banques majeures ainsi que le London Stock Exchange.
  • La Chinaledger Alliance regroupe 11 organisations financières.
  • Le Financial Blockchain Shenzhen Consortium (FBSC), qui regroupe 31 firmes des fintechs.

La clef de notre “changement de paradigme” se trouve-t-elle donc dans les blockchains et les registres distribués ? Dans l’épisode précédent, j’avais émis des doutes : la structure de notre paradigme est hiérarchique et centralisée, qu’il s’agisse de monnaie ou de politique. Rajouter un peu de blockchain par ci, un peu de blockchain par là ne modifie donc pas l’architecture de notre société en profondeur.

Le monde selon Satoshi

On parle souvent de Bitcoin comme d’une monnaie d’essence anarco-capitaliste, libérale, minarchiste, cyber-punk, ou plus globalement d’un outil libertarien. Si ce sont bien des courants de pensées qui pouvaient habiter les créateurs du réseau au début de l’expérience, et qui parlent certainement à une partie de la communauté, le message politique de Satoshi Nakamoto est plus pratique et factuel qu’idéologique :

Plus l’être humain est libre, autonome et responsable et plus il est à même de produire des mécanismes de consensus efficaces conduisant à un ordre juste.

La plupart des systèmes de gouvernance actuels partent du principe que seul un ordre hiérarchique et centralisé permet de maintenir la cohésion d’une société humaine : l’incroyable succès du réseau Bitcoin démontre le contraire.

satoshiC’est là où est le changement de paradigme proposé par Satoshi Nakamoto : passer d’un système pyramidal et centralisé – où l’entropie devient pourtant maximale – à une société de réseau, décentralisée, gérée par l’ordre spontané.

Satoshi avait parfaitement conscience du nerf de la guerre, mais s’attaquer au “système” ne fait aucun sens. Proposer une alternative sous la forme d’une monnaie et d’un réseau de paiement accessibles à tous est une bien meilleure idée; se baser sur Internet, la décentralisation et la cryptographie afin d’en assurer son intégrité, sa sécurité et sa résistance à la censure, une révolution.

Par son existence même, Bitcoin prouve que nous sommes au-delà de l’utopie concrète. Il a juste ouvert la voie : s’il est possible de décentraliser la création monétaire et la gestion des flux financiers, redonnant ainsi un pouvoir perdu à l’individu, qu’en est-il de la gouvernance ? Bitcoin a ravivé l’espoir secret d’accéder à une société plus libre, plus sûre et plus juste.

Malheureusement, comme le disait Montesquieu, tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Les dirigeants de tous les pays se sont lancés dans une guerre des devises sans fin, le Titanic bancaire plonge lentement et aspire les richesses des peuples; les législateurs profitent des angoisses de la population afin de lui faire avaler différentes pilules au goût amer : qui de son contrôle des capitaux, qui de son plafonnement des paiements en espèces, qui de ses restrictions sur l’importation de métaux précieux.

Bitcoin, pierre philosophale du 21ème siècle, qui transforme l’énergie électrique en or numérique, est donc en train de devenir tant une valeur refuge pour les victimes du totalitarisme bancaire qu’une source d’inspiration pour un système économique mondialisé chancelant…

 

Image d’en-tête : détournement non-autorisé de la couverture 2017 du magazine The Economist. 9ème carte : gravure anonyme extraite du manuel alchimique Le Rosaire des Philosophes. Autres illustrations : licence Wikimedia Commons.

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